Le droit de craquer

Toi qui te lèves trois fois par nuit, qui te fait bouffer les doigts au sang, qui subis les regards agacés des gens dans le TGV tout en essayant de calmer ta crevette, toi qui lis des manuels d’éducation bienveillante et qui te trouves à côté de la plaque, toi qui a passé trente minutes à préparer de la compote, et que cette compote finit sur le sol, sur les murs, sur ta chemise blanche qui sort du pressing, toi qui cours tous les jours aux quatre coins de l’univers, toi qui dors debout et mange allongé(e), accroupi(e) ou sur le pouce (il faut avoir des pouces solides, quand on est parents), toi qui fais de ton mieux mais qui a le sentiment que ce n’est jamais assez, toi qui me lis planqué(e) aux toilettes ou arrêté(e) à un feu rouge, TU AS LE DROIT DE CRAQUER. De dire merde, putain, de crier, de frapper les murs, tu as le droit de chanter « ce soir je serai la plus belle pour aller danser » toute nue dans ton salon, d’avaler un paquet de bonbons et puis un autre, et tu as le droit d’être fier(e) de toi, oui c’est autorisé, de reconnaître que tu as une vie de fou et que dans cette vie de fou tu ne t’en sors pas si mal, haut-les-cœurs, on se déconfine, on va pouvoir retourner au resto (mais pas trop en semaine il y a les enfants, et puis il faut trouver une babysitter ou des grands-parents et puis en fait on est crevés), vive la vie, les oiseaux, le printemps avec sa météo de merde, voilà moi aussi je craque, sur ce bonne soirée, et faites-moi plaisir, à la fin de ce texte regardez-vous dans le miroir et criez un truc qui vous fait plaisir, à pleins poumons, réveillez les voisins, le chien, bébé qui dort (non quand même pas), réveillez ce monde assoupi et suspicieux, la bête qui sommeille en vous, et venez me dire ce que vous avez crié. Et partagez ce texte, je suis sûr qu’il peut faire du bien.