Pardon, j’ai oublié
janvier 30, 2022
Pardon, j’ai oublié tes yeux, comment ils sont bleus tes yeux, comment je leur ai dit oui sous le soleil de Provence.
J’ai oublié de te regarder.
Pas de te voir, de te regarder.
Ces derniers temps.
Pardon, j’ai oublié ta bouche, tes cheveux, ta nuque.
On se passe à côté, au milieu de la nuit ou au milieu du jour, entre nos cartons qu’on doit déballer depuis six mois, entre nos chats, les jouets de nos enfants qui jonchent le salon, on se passe à côté comme deux feuilles mortes mais vivantes, épousant les courants de la vie qui tourbillonne.
Je te reproche des bêtises qui prennent des proportions immenses. Cette assiette sale qui traîne à côté du lave-vaisselle. Cette tétée matinale que tu as oubliée de donner, écrasée par la fatigue. « Et du coup je dis quoi, moi, à la crèche ?? » Ton corps qui se dérobe, qui glisse en ombre blanche entre mes mains, poussière de temps hors du sablier brisé.
Parfois, je suis dur.
J’oublie que tu ne dors pas.
J’oublie que tu travailles à l’autre bout du monde.
J’oublie que tu as mis du rouge-à-lèvre, samedi, pour être un peu coquette et que je te regarde à nouveau.
Aspirés dans les pleurs, la fièvre, les cris, les rires, les dents, la crèche, courir à la crèche, courir à l’école, aspirés dans les factures, les courses, les travaux, dans les « Papaaaaaa ! » et « Mamaaaaan ! » qui résonnent de midi à minuit, aspirés hors de nous, toujours plus proches et toujours plus loin, on s’oublie et on oublie, et soudain tu m’envoies cette photo prise à ton bureau, et je reste con, frappé par cette pensée : « Tu es belle. »
J’ai honte, pardon.
D’avoir oublié.
Toutes tes beautés, ensevelies sous l’écume du quotidien.
Beauté de ton sourire, de ton regard bleu comme le ciel, de ton âme qui donne sans compter
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