[Le jeu de l’amour et du bazar – scène II]

Bébé attrape décroche son blouson du porte-manteaux et l’apporte à papa.

« Je suis désolé ma chérie, mais on ne peut pas sortir.

— Ticotico nanana plop bobobobo

— Oui, je sais, tu aimerais beaucoup aller courir au parc. Malheureusement, on doit rester à la maison.

— Na.

— Et si. Nous n’avons pas le choix.

Malgré tout, bébé tente d’enfiler son blouson.

— Tu veux essayer de mettre ton blouson toute seule ? Comme une grande fille ?

— Ta.

— C’est super ça ! Par contre, tu as bien compris qu’on restait à la maison après ?

— Na.

— Si. Mais on peut faire plein de trucs super chouettes à la maison !

De colère, bébé pousse un cri et se jette à plat ventre.

— Je comprends ta frustration. Tu sais, pour papa et maman non plus ce n’est pas simple de rester enfermés. Mais c’est très important, pour nous protéger et protéger les autres.

— Na

— Si, si, je te promets.

— Naaaaaaaaaaaaaaa nanananana naaaaaaaaaaaaaaaaa

Le visage de bébé se colore d’un rouge vif. On voit sa luette trembler au fond de sa gorge. Pour faire diversion, papa sort un petit train en bois.

— Ouaaaaa, tu as vu le train ? Il est de quelle couleur le train ?

La diversion ne fonctionne pas : bébé se roule par terre en tapant des pieds.

— Bon, tant pis, papa va jouer tout seul avec le train. Tchoutchou, tchoutchou !

Bébé finit par se calmer, et vient attraper le train.

— Ataputa pupu vroum ?

— Je crois que celui-ci, il mène au pays des mille et une nuits.

— Na.

— Non, tu as raison, il va au pays des merveilles.

— Na.

— Pardon, je me suis encore trompé, il va au pays imaginaire.

— Ta.

— Oui, voilà, c’est ça, le pays imaginaire. Quel idiot ce papa !

— Ta.

— Bon, pas besoin d’insister non plus.

— Petipeti bloblo na.

— Alors là, je ne te permets pas !

Bébé rigole maintenant à gorge déployée.

— Gloglo ninito lololo gnaaa

— Ah je préfère ça ! Est-ce que tu veux suivre le train au pays imaginaire, voir les sirènes et les pirates ?

— Na.

— On ira une autre fois alors. Et lire un livre avec papa, ça te dirait ça ?

— Ta.

Bébé court dans sa chambre, et revient avec le livre musical du Livre de la Jungle. Elle donne le livre à papa, puis s’assied entre ses jambes.

— « Il en faut peu pour être heureux… », se met à fredonner papa, mais bébé tourne aussitôt la page, et appuie sur le bouton.

« Quand on est seuuuuuuls » chantent en cœur les corbeaux.

— Crois-tu que ce soit la meilleure chanson pour nous remonter le moral ? demande papa.

— Na.

— On est d’accord.

Papa essaie de tourner la page, mais bébé arrache le livre, et va le reposer dans sa bibliothèque. À la place, elle rapporte Le Petit Prince, dans sa version imagée.

— Le Petit Prince, en voilà en chouette livre ! s’exclame papa, qui se met à lire : « C’est un petit bonhomme tout à fait extraordinaire, qui vit sur une planète à peine plus grande qu’une maison …. »

Papa s’arrête de lire et regarde bébé, prise d’un nouveau fou rire :

— Tu le fais exprès, n’est-ce pas ? »