Doudouland
novembre 12, 2020
Peu d’espace. 45m2, trois fenêtres, deux chats, un bébé. Est-ce moi, ou les murs se rapprochent ? Je prends mon mètre, je mesure. Bon, il faut croire que non. Et le plafond ? Il paraît bien bas. Je vérifie aussi, je me contorsionne, manque de tomber. Non, toujours au même endroit.
Peu d’espace. Les infos à la télé : » Restez chez vous, dehors c’est dangereux ». Virus, attentats, éléction americaine, et puis l’hiver, l’hiver qui arrive, winter is coming, avec son vent froid, et sa nuit, et ses arbres décharnés. Le ciel est bas. Le plafond est bas. Tout est bas, oppressant, étriqué.
Je travaille, le nez dans mon fichier Excel. J’entends la pluie qui carillonne sur ma fenêtre. À la radio les mauvaises nouvelles passent en boucle. Quand soudain : un cri. Aigu, joyeux, mêlé de rires. Je me lève. C’est ma fille, qui a renversé son panier de peluches. Elle s’esclaffe, saute dans cet océan de doudous, les jette en l’air, les embrasse, les mord, les sniffe, les câline. Ses dents du bonheur déchirent le ciel sombre qui coule dans sa chambre.
Et je me sens bête, avec mes murs étriqués, et mes infos déprimantes, et mon masque qui traine dans ma poche. Je respire, souris, m’accroupis près d’elle. « Je peux venir ? » je demande. Elle dit oui. Alors je ferme les yeux et plonge, moi aussi, dans cet océan de doudous, surface douce et rebondie d’un monde bien plus vaste que mon appartement, bien plus vaste que ma ville confinée, que mon pays confiné, que ma planète qui vit au rythme des mauvaises nouvelles. Un monde vaste comme un rire d’enfant
© Copyright 2019, Papa Plume Des couches et du style !
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